Dans leur livre « C’est pour une amie ! », Valérie Trierweiler et Constance Vergara livrent un témoignage optimiste et décomplexé sur les défis et les opportunités de la cinquantaine. Entretien sans tabou avec Constance Vergara, pour qui cet âge est avant tout celui de la liberté retrouvée.
Pourquoi s’intéresser aux femmes célibataires de 50 ans ?
Nous voulions parler aux trois millions de femmes célibataires entre 50 et 60 ans en France, en leur transmettant un état d’esprit optimiste, une invitation à se redéfinir et à foncer. À cinquante ans, il y a souvent moins de bruit à la maison, les enfants sont grands, et c’est précisément le moment idéal de réécouter cette petite voix qu’on avait un peu étouffée justement par une carrière professionnelle, par des enfants, un mari, une vie sociale qui nous a un peu éloigné peut-être de qui on était à 20 ans. C’est une opportunité pour se recentrer sur soi-même et redécouvrir ce qui nous anime profondément.
Vous-même, quelle est votre situation personnelle par rapport au sujet de votre livre ?
Je suis veuve depuis dix ans et j’ai trois enfants. Donc, évidemment, cette réalité me touche particulièrement. J’ai justement maintenant envie de faire des choses nouvelles, de m’écouter, de prendre des cours de sculpture, de partir avec des amis, seule, avec des copines… C’est quelque chose que je n’avais plus fait depuis 20 ans.
La sororité est un élément central qui traverse tout le livre, c’est même le socle, une bande de copines qui est là dans les moments difficiles, et dans les moments joyeux aussi ?
C’est assez unique et très réconfortant de se dire qu’on peut compter sur des amis solides en cas de coups durs, mais aussi pour profiter de la vie. Quand on est célibataire à cinquante ans, on se demande ce qui se passera si l’on tombe malade : qui va m’accompagner au bloc opératoire ? Qui va me tenir la main au réveil, me soigner ou simplement préparer à manger ? J’ai une amie qui a traversé la maladie et qui a pu compter sur tout un réseau amical. L’amitié est une valeur cardinale que j’essaie de transmettre à mes enfants aussi.
Cette solidarité féminine permet-elle justement d’affronter plus facilement les difficultés économiques fréquentes chez les femmes célibataires après 50 ans ?
Les chiffres de l’INSEE de 2018 révèlent clairement que les femmes basculent dans la précarité après un divorce ou un veuvage, alors que les hommes, beaucoup moins. Nous n’avons pas été éduquées, globalement, à la question de l’éducation financière, et beaucoup de femmes doivent multiplier les petits boulots pour s’en sortir. Quand on a de grands adolescents encore à la maison ou de jeunes adultes qui n’ont pas encore quitté le foyer familial, c’est extrêmement difficile.
On a très envie de continuer à travailler et de s’épanouir ainsi, parce que le travail, c’est quand même un grand bonheur quand ça se passe bien.
On a très envie de continuer de travailler et de s’épanouir comme ça, parce que le travail c’est quand même un grand bonheur quand ça se passe bien.
Aujourd’hui on entend un discours qui est : « montez vos boîtes », mais il y a des femmes qui n’en ont pas envie, ou pas les capacités. Que pensez-vous globalement de ces injonctions à devenir des femmes « puissantes » ?
Cette injonction est très culpabilisante. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux comme LinkedIn, on glorifie constamment des femmes entrepreneures ou des sportives exemplaires. Mais toutes les femmes ne souhaitent pas, ou ne peuvent pas nécessairement, répondre à ces standards. On essaie de déculpabiliser les femmes. C’est pourquoi, dans notre livre, nous avons écrit un chapitre intitulé Fichez-nous la paix.
Vous évoquez aussi toutes les autres injonctions liées au physique résumées par cette phrase « Vieillir avec grâce ». Quelle est la plus insupportable pour vous ?
Il faudrait que toutes les femmes ressemblent à une certaine norme. Depuis plusieurs années maintenant, beaucoup ont envie de laisser pousser leurs cheveux gris et d’abandonner les teintures. D’autres, au contraire, réagissent à la moindre mèche blanche. Chacune est libre, c’est cette liberté que le monde entier nous envie. Ce qui est jubilatoire, c’est de saisir cette décennie avec joie et sérénité, sans répondre à aucun stéréotype.
Ces injonctions sur le corps et l’apparence s’intensifient souvent à l’approche de la ménopause
C’est compliqué, mais très différent d’une femme à l’autre. Ça fiche un peu la pagaille partout : dans nos comportements, nos humeurs, nos nuits. Mais il faut se dire qu’il y a un moment où ça se stabilise, qu’on redémarre. Il existe des traitements hormonaux pour nous aider. Ce serait bien que les femmes de 50 ans ne se dépriment pas elles-mêmes par auto-censure ou auto-flagellation.
Qui n’a pas lieu d’être si on suit votre comparaison avec les orques ?
Les orques sont parmi les rares mammifères à survivre après la ménopause. Ils deviennent surtout des chefs de tribus, donc on s’était dit : nous, maintenant nous sommes des orques parce qu’on peut être le chef de nos parents, parce qu’on est aussi une génération prise en sandwich entre nos jeunes adultes, et puis nos parents vieillissants dont il faut s’occuper. donc nous sommes des orques.
Une génération plus libre car elle aurait aussi a moins envie de se conformer à ce qu’on pense d’elle ?
Exactement. Les critiques des uns et des autres nous glissent un peu dessus, et la vraie liberté, c’est celle-là : c’est de se dire je m’en fiche. Si tu penses ça de moi, tu es parfaitement libre de le faire, mais ça ne m’atteint pas. On sait ce qu’on vaut, on sait ce qu’on a traversé depuis 50 ans : ça nous rend solides et confiantes.
Ce qui n’empêche pas les chagrins d’amour même après 50 ans ?
Les chagrins d’amour après cinquante ans sont vécus très intensément, exactement comme à vingt ans, le cœur ne vieillit pas, de ce point de vue-là. On peut être à terre de la même manière, souffrir terriblement. C’est peut-être même encore plus cruel, parce qu’on se dit : qui va vouloir de moi maintenant, à cet âge-là ? Mais finalement, ça fait partie du processus pour se redéfinir, se remettre debout et avancer.
Vous évoquez les applications de rencontre dans le livre
Oui, c’est ludique. Cela oblige à se redéfinir clairement, à réfléchir à ce qu’on souhaite vraiment aujourd’hui. Cela pousse à sortir de sa zone de confort, à aller vers les autres et à réaliser que les hommes traversent eux aussi les mêmes interrogations que nous. Ils ont pris des claques dans la vie, sur le plan professionnel, personnel, amical… Et à 50 ans, finalement, nous nous ressemblons davantage et nous nous retrouvons.
C’est un état d’esprit d’aller vers les autres. Rien n’arrivera en restant sur son canapé à regarder des séries. C’est extrêmement sympathique, on le fait toutes et on adore, mais la rencontre avec l’autre est toujours merveilleuse, même si cela ne signifie pas forcément rencontrer l’amour.
« C’est pour une amie ! Manuel à l’usage des quinquas », Valérie Trierweiler et Constance Vergara – Les Arènes, 21€