Longtemps ignorée par les pouvoirs publics et le monde médical, la ménopause reste un sujet tabou malgré son impact sur la santé et la vie professionnelle des femmes. La députée Stéphanie Rist (Renaissance), de la première circonscription du Loiret, a été chargée d’une mission parlementaire pour dresser un état des lieux. Elle livre ses constats. Interview.
Pourquoi conduire une mission parlementaire sur la ménopause aujourd’hui ?
La ménopause est un sujet encore largement tabou, peu abordé par les pouvoirs publics et insuffisamment traité par le monde médical. Pourtant, elle concerne toutes les femmes et a un impact direct sur leur santé et leur vie professionnelle. Depuis 2017, plusieurs avancées ont été faites pour la santé des femmes, comme le plan sur l’endométriose ou l’amélioration de la prise en charge contraceptive. Mais la ménopause restait un angle mort. En mai dernier, le président de la République a exprimé la nécessité d’un travail parlementaire sur le sujet, et en octobre, le Premier ministre [NDLR : Michel Barnier] m’a confié cette mission.
Est ce que l’on peut résumer vos grands axes par : l’information, la prise en charge et l’impact dans la vie professionnelle ?
La mission parlementaire repose sur ces trois grands axes. La ménopause n’est pas une maladie, mais elle entraîne des symptômes qui touchent 90 % des femmes. Pourtant, le sujet reste mal connu et souvent absent des consultations médicales. Beaucoup de femmes ne savent pas à quoi s’attendre ni vers qui se tourner. Il est essentiel de mieux informer, via les professionnels de santé, des supports éducatifs ou des campagnes de sensibilisation pour que toutes les femmes, quel que soit leur milieu social, puissent avoir accès à une information claire et fiable.
Votre deuxième axe porte sur la prise en charge sanitaire ?
L’objectif n’est pas de recommander un traitement précis, mais d’établir un état des lieux sur l’accompagnement médical des femmes en France. La question de l’accès aux traitements hormonaux est particulièrement importante, car on sait que seules 6 à 10 % des femmes les utilisent, bien souvent faute d’une prescription ou d’une information adéquate. Un des leviers de transformation repose sur les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS), dont les travaux ont été accélérés par la mission parlementaire. Attendues entre l’été et la fin 2025, elles seront déterminantes, notamment pour clarifier le cadre de prescription des traitements hormonaux par les médecins généralistes. Tant qu’elles ne seront pas mises à jour, il sera difficile de faire évoluer les pratiques.
Il s’agit aussi d’un enjeu de santé publique ?
Il est crucial de prendre en compte les effets de la ménopause sur la santé des femmes, notamment les risques cardiovasculaires, osseux et cognitifs qui restent largement sous-estimés dans les stratégies de prévention. Nous devons également examiner les freins qui limitent l’accès à ces traitements et analyser comment d’autres pays abordent cette question. Nous devons comprendre comment les femmes sont accompagnées médicalement, quels sont les traitements disponibles et pourquoi certains sont si peu prescrits en France. La mission ne vise pas à recommander des solutions médicales, mais à dresser un état des lieux.
Est-ce qu’on peut aussi recommander une meilleure formation des médecins, qu’en pensez-vous en qualité de médecin rhumatologue ?
Nos études de médecine sont déjà parmi les plus longues d’Europe, et certains parlementaires suggèrent même de les raccourcir. À chaque mission sur un sujet de santé, la question de renforcer la formation revient systématiquement. Pourtant, l’enjeu n’est peut-être pas d’accumuler des heures de formation supplémentaires, mais plutôt d’adapter l’enseignement aux réalités du terrain.
L’essentiel est que les médecins soient formés en fonction des besoins de leur patientèle. Un praticien qui suit majoritairement des enfants devra se spécialiser sur l’obésité infantile, tandis qu’un médecin réalisant des examens gynécologiques devra se former davantage sur la ménopause. La formation continue doit être pensée pour coller aux pathologies et aux profils des patients rencontrés tout au long de la carrière d’un soignant. Je pense que la formation continue est un enjeu majeur, d’autant qu’elle reste insuffisamment développée en France. Vous ne demanderiez pas à un pilote de ligne d’avoir aussit peu de formation continue que les médecins !
Que peut-on faire pour toutes les femmes qui sont dans les déserts médicaux ?
Dans certains déserts médicaux, des filières bien organisées permettent parfois une prise en charge plus efficace, malgré un manque de personnel. L’un des enjeux de la mission est d’évaluer cette réalité de manière objective. Cela soulève aussi la question du rôle des autres professionnels de santé. Les femmes consultent souvent leur pharmacien pour des conseils, et d’autres acteurs, comme les kinésithérapeutes, peuvent également jouer un rôle dans l’accompagnement. La mission va examiner le rôle des autres professionnels de santé afin que toutes les femmes, quel que soit l’endroit où elles habitent, puissent être prises en charge.
Pour mener à bien votre mission vous avez lancé des questionnaires, quels en sont les retours ?
Nous avons dépassé les 2000 réponses, ce qui nous fournit de bonnes données. Il ne s’agit pas d’une étude scientifique, mais ces verbatims apportent des éléments concrets.
Votre dernier volet porte sur l’impact de la ménopause au travail, avez-vous observé des initiatives en entreprise en France, comme celles du Menopause Workplace Pledge en Grande-Bretagne ?
La ménopause en entreprise reste un sujet largement ignoré en France. Contrairement à d’autres pays, peu d’entreprises ont mis en place des dispositifs d’accompagnement. Pourtant, l’impact est bien réel : certaines femmes quittent leur emploi ou se tournent vers des statuts indépendants pour mieux gérer cette période. Ce phénomène représente une perte de compétences pour les entreprises, qui investissent dans la formation de salariées avant de les voir partir. ll est essentiel de sensibiliser les employeurs et les responsables RH à cette problématique afin de valoriser l’expérience des salariées et d’éviter ces départs contraints.. Contrairement à d’autres pays, la question n’est pas encore intégrée aux politiques RH.
Les entreprises ont-elles conscience de ce coût économique ?
Les entreprises n’ont pas conscience du coût économique de la ménopause, pourtant chiffré dans certains pays. Au-delà de l’impact financier, il y a un vrai manque d’information des entreprises sur le sujet. Lors des débats sur la réforme des retraites, la question des seniors a été largement abordée, mais avec une différence marquée : les femmes quittent leur emploi plus tôt que les hommes, alors qu’elles ont souvent beaucoup à apporter. Aujourd’hui, les entreprises, les syndicats et les DRH semblent peu sensibilisés à la question de la ménopause au travail. Il faudra attendre la fin des auditions pour mesurer si cette tendance se confirme, mais pour l’instant, le sujet ne semble pas être une priorité.
Est ce que d’une manière plus générale pour que les lignes bougent en entreprise, il faut changer les récits sur cette génération de femmes ?
Il y a un véritable enjeu de société qui dépasse le cadre de l’entreprise et touche à l’éducation et à la place des femmes dans la société. Leur rôle ne se limite pas à la maternité à un moment de leur vie, mais aussi à la transmission de compétences et d’expérience une fois que leurs enfants sont grands.
Quelles sont vos ambitions pour la suite ?
Nous avons mené un travail approfondi pour que cette mission ne se limite pas à un simple rapport destiné à finir dans un tiroir. L’objectif est d’engager une véritable prise de conscience, en impliquant les administrations centrales et les entreprises, afin que la remise du rapport marque le début d’une dynamique et non la fin d’un processus.
Qu’avez-vous appris de ces auditions ?
La question du traitement hormonal reste complexe. Mon point de vue évolue au fil des auditions : certains jours, il me semble évident qu’il faudrait le prescrire à bien plus de femmes, d’autres jours, je pense qu’il faut cibler les patientes qui en ont réellement besoin. Tout le monde ne peut pas en bénéficier, et pour celles qui ne peuvent pas le prendre, il reste un vrai enjeu de solutions alternatives. Ce qui me frappe à travers cette mission, c’est à quel point les questions de santé des femmes se heurtent à des blocages. Il reste encore un immense travail à faire pour atteindre une véritable égalité entre les hommes et les femmes sur ces enjeux.
Déjà les seniors sont ostracisés et poussés vers la sortie… Alors si on commence à exprimer des spécificités pour les femmes, il y a malheureusement un risque que ça empire la position des femmes en entreprise, non? Je suis ménopausée… Et sous traitement hormonal
Mission très utile si l’HAS révise la durée du traitement supposé être le plus bref possible et à arrêter à disparition des symptômes . Les jeunes médecins ont peur de prescrire et suivent bien sûr les recos. La plus part des gynecos ménopausées qui n’ont pas de contre indications prennent un THM sur des années c’est dire leur conviction