INVISIBLES ET EN DANGER : UN RAPPORT ALERTE SUR LA SITUATION DES FEMMES SANS ABRI

Femme sans abri
© photo d’illustration

Les femmes sans abri restent invisibles. Ce matin, en conférence de presse, la délégation aux droits des femmes du Sénat a dévoilé un rapport après dix mois de travaux. Il contient 22 recommandations pour mieux repérer ces femmes, renforcer l’offre d’hébergement et faciliter leur accès aux droits essentiels

En France, la situation des femmes sans abri reste souvent invisible, pourtant leur nombre ne cesse de croître. Lors d’une conférence de presse tenue au Sénat, les 4 rapporteures ont dressé un état des lieux alarmant de la situation, soulignant les nombreux défis auxquels elles sont confrontées au quotidien. « Environ 40 % des personnes sans domicile aujourd’hui sont des femmes », rappelle Agnès Evren, Sénatrice de Paris (Les Républicains). Une proportion qui ne cesse de s’accroître depuis dix ans.

Face à cette crise sociale inédite, les solutions de mise à l’abri apparaissent insuffisantes et saturées. Malgré l’existence de critères de vulnérabilité établis par les autorités, de nombreuses femmes restent sans réponse à leur demande de logement d’urgence. En Seine-Saint-Denis, en mai dernier, 63 femmes enceintes et 281 enfants, dont 112 de moins de trois ans, ont dû passer la nuit dehors après avoir sollicité le 115.

Une invisibilité qui protège et isole les femmes sans abri

Cette précarité extrême pousse les femmes à se rendre invisibles pour se protéger. « Elles se cachent pour échapper aux violences de la rue, dans des parkings, des squats, ou encore des aéroports », explique Agnès Evren. Cette invisibilité, si elle leur permet d’éviter les agressions, complique considérablement leur accès aux dispositifs d’aide. « Elles ne sont pas visibles dans l’espace public, elles se fondent dans la masse pour ne pas être repérées », renchérit Dominique Vérien, la Présidente de la délégation sénatoriale. Mais cette stratégie de survie contribue à leur isolement, et les empêche de bénéficier de l’aide à laquelle elles pourraient prétendre.

Le manque de logements pérennes est l’un des principaux obstacles à une sortie durable de la précarité. Pour répondre à cet enjeu, le programme « logement d’abord » a permis à 550 000 personnes depuis 2017 d’accéder à un logement stable, sans passer par des hébergements temporaires. Cependant, cette approche reste insuffisamment développée. Olivia Richard, sénatrice des Français de l’étranger insiste sur la nécessité de renforcer ce type de dispositif afin de désengorger les centres d’hébergement d’urgence et de favoriser une prise en charge durable. La logique actuelle de « l’escalier » – consistant à faire passer les personnes de la rue à un hébergement temporaire, puis à un logement intermédiaire avant un accès à un logement pérenne – ralentit leur réinsertion et contribue à la saturation des systèmes de prise en charge.

Les enfants, premières victimes de la précarité

L’augmentation du nombre d’enfants sans domicile est une autre conséquence dramatique de cette crise. « Le fait d’être sans domicile expose les enfants à des conditions de vie dégradées, engendrant des répercussions sur leur développement, leur santé et leur scolarité », souligne Laurence Rossignol. Pour répondre à ces enjeux, elle appelle à renforcer les moyens alloués à la médiation scolaire et à garantir l’accès à l’éducation sans exiger de justificatif de domicile. En parallèle, la question des jeunes femmes issues de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) est abordée. Un quart des personnes sans domicile en France a été prise en charge par l’ASE, et ces jeunes sont particulièrement vulnérables à la précarité et à la prostitution.

Nous recommandons également d’améliorer la détection, la prise en charge et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles en sensibilisant les travailleurs sociaux et les forces de l’ordre qui recueillent les plaintes, mais aussi de manière très concrète en permettant aux associations de fournir aux femmes sans-abri des moyens d’autodéfense avec discernement

Agnès Evren

Pour sortir de la précarité, les femmes sans abri ont besoin d’un accompagnement adapté à leur situation. « Il faut développer des accueils de jour réservés aux femmes, centralisant les services et les accompagnements pour une prise en charge stable et continue », préconise Olivia Richard. Ces lieux spécifiques, à l’image de ceux rencontrés à Marseille, offrent aux femmes un espace sécurisé et pérenne, où elles peuvent être entourées de travailleurs sociaux et recevoir le soutien nécessaire. La sénatrice insiste sur l’importance de faciliter les déplacements des mères accompagnées de jeunes enfants, notamment à travers le financement de titres de transport comme le pass Navigo pour les 1 000 premiers jours, permettant ainsi un accès plus facile aux services essentiels.

Malgré l’existence de certains dispositifs, les rapporteures s’accordent à dire que la réponse publique doit être plus efficace et coordonnée. « On parle là de femmes qui de toute façon sont en France et vont y rester », rappelle la Présidente de la délégation, soulignant l’importance de leur apporter des solutions adaptées. Pour cela, une application plus homogène de la circulaire Valls, qui permet la régularisation au cas par cas, pourrait faciliter l’accès à un logement social pour les femmes en situation irrégulière, mais pas expulsables.

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