FATOU BENSOUDA : L’HÉRITAGE DE L’EX-PROCUREURE DE LA CPI FACE À TRUMP

CPI-Trump
©j’ai piscine avec Simone

Donald Trump relance son offensive contre la CPI. Fatou Bensouda, ex-procureure, en avait déjà fait les frais. Son héritage judiciaire reste au cœur des tensions.

Donald Trump a imposé de nouvelles sanctions contre la Cour pénale internationale (CPI), ciblant ses magistrats et enquêteurs après l’émission de mandats d’arrêt contre des responsables israéliens accusés de crimes de guerre à Gaza. Ce bras de fer entre Washington et la CPI ne date pas d’aujourd’hui. En 2020, c’est Fatou Bensouda, alors procureure de la Cour, qui avait subi les foudres de l’administration Trump après avoir osé enquêter sur les crimes présumés de l’armée américaine en Afghanistan.

Aujourd’hui, elle n’est plus en charge de la CPI, mais son action continue d’influencer le travail de la Cour et la scène internationale. C’est sous son mandat, entre 2012 et 2021, que la Cour a mené certaines des enquêtes les plus sensibles de son histoire, notamment en Afghanistan et en Palestine.

Un affrontement de longue date entre Washington et la CPI

Depuis sa création en 2002, la CPI incarne un idéal de justice supranationale, garantissant que les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité puissent être poursuivis, quelles que soient leurs fonctions. Mais son action se heurte régulièrement aux intérêts des grandes puissances. Ni les États-Unis, ni la Russie, ni la Chine n’ont ratifié le traité de Rome, ce qui leur permet de refuser toute juridiction de la Cour sur leurs ressortissants.

Trump justifie ses sanctions en dénonçant une CPI « illégitime » et politisée. « La CPI mène une campagne illégale contre Israël et contre notre pays. Nous ne reconnaissons pas son autorité et nous ferons tout pour l’arrêter », a-t-il déclaré en annonçant ces nouvelles mesures. Ce discours est dans la droite ligne de celui qu’il tenait lors de son premier mandat, lorsqu’il avait qualifié la CPI de « cour corrompue qui s’attaque aux États-Unis et à ses alliés ».

Fatou Bensouda, une opposition constante à Trump

L’hostilité américaine envers la Cour avait culminé en 2020 lorsque Fatou Bensouda avait ouvert une enquête sur les crimes présumés en Afghanistan, incluant des actes commis par des soldats américains et des agents de la CIA. L’administration Trump lui avait alors imposé des sanctions, gelant ses avoirs et lui interdisant l’accès au territoire américain. « Nous ne permettrons pas que nos soldats soient jugés par une cour étrangère », avait déclaré à l’époque Mike Pompeo, alors secrétaire d’État.

Malgré ces pressions, Fatou Bensouda avait défendu l’indépendance de la Cour. « La justice ne peut être entravée par des intérêts politiques », avait-elle affirmé, insistant sur le fait que la CPI devait appliquer la loi de manière impartiale, indépendamment de la nationalité des suspects.

Son mandat de procureure a été marqué par plusieurs dossiers majeurs. Outre l’enquête sur l’Afghanistan, elle avait engagé des poursuites pour des crimes commis en Palestine, en République centrafricaine et au Kenya. Elle avait également supervisé la mise en accusation de figures politiques de premier plan, comme l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba ou encore le chef de milice centrafricain Patrice-Edouard Ngaïssona. L’enquête sur la Palestine, qui a conduit aux mandats d’arrêt contre des dirigeants israéliens en 2024, est aujourd’hui au cœur des tensions avec Washington.

Un avenir incertain pour la CPI

Si Fatou Bensouda n’est plus à la tête de la CPI, son héritage continue de façonner la justice internationale. Son successeur, le britannique Karim Khan, poursuit plusieurs des enquêtes qu’elle avait initiées, ce qui alimente encore les tensions diplomatiques autour de la Cour.

L’avenir de la CPI apparaît plus incertain que jamais. Déjà critiquée pour son inefficacité et sa lenteur, elle est également accusée de biais dans le choix de ses affaires. La majorité des procédures engagées depuis sa création concernent des dirigeants africains, ce qui a conduit plusieurs pays du continent à dénoncer une justice à deux vitesses. Certains, comme le Burundi et les Philippines, ont même choisi de se retirer du traité de Rome.

L’Union européenne et plusieurs organisations de défense des droits humains ont dénoncé les sanctions imposées par Washington, estimant qu’elles affaiblissent dangereusement la lutte contre l’impunité. Mais ces déclarations ne suffisent pas à inverser le rapport de force. Une telle évolution compromettrait l’idéal de justice universelle que la Cour était censée défendre. Comme l’avait affirmé Fatou Bensouda face aux attaques de Trump, « sans une justice indépendante, l’impunité triomphe ».

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