A quelques jours des fêtes pascales, Delphine Horvilleur, rabbin au sein du Mouvement juif libéral de France a raconté de quelle manière la société devait remettre les liens intergénérationnels à l’oeuvre. Une réponse bienvenue dans le flot anxiogène des fake news où fleurissent les donneurs de leçons clivants.
Réputée pour son ouverture d’esprit, Delphine Horvilleur a une parole toujours intelligente qui dépasse les seules questions religieuses. La fondatrice de la revue la revue d’art, de pensée et de créativité juive « Tenou’a » a, au cours d’une courte interview donnée à RTL envisagé de quelle façon notre société devrait se réinventer après la terrible crise que nous vivons. Elle a notamment mis en perspective la nécessaire reconstruction du lien intergénérationnel si malmené. Les fêtes de Pâques sont l’occasion de rétablir ce lien, a-t-elle expliqué. « Partager des récits, des repas, des chants, des histoires… Le défi qui nous est lancé est de trouver le moyen d’être ensemble en n’étant pas ensemble ». Il ne faut pas confiner nos esprits poursuit-elle mais rester en contact autrement.
Au sein de pensées religieuses au cours des dernières années on a développé un discours très critique vis a vis du virtuel en disant bien à quel point la virtualité ne pouvait pas remplacer le contact physique .J’ai pu faire l’expérience de cérémonies menées via écrans interposés, des familles en deuil qui se sont retrouvées via des logiciels de connexion venues du monde entier à pleurer des êtres chers.
Se reconnecter à nos héritages du passé
L’autrice de « Comment les rabbins font les enfants« évoque la question du deuil en période de confinement. « Les gens ont l’impression que (Le processus du deuil NDLR) rien ne va pouvoir s’engager tant qu’on pourra pas être physiquement être ensemble. Les gens ont besoin de trouver le moyen de parler, de partager, et on va faire de cette créativité inédite ensemble ». Elle invite à se reconnecter à nos « héritages du passé » pour considérer comment « les récits et les histoires qui s’appliquent à des situations complètement différentes vont avoir une pertinence pour penser aujourd’hui et réfléchir à demain ». Dans cet esprit, Delphine Horvilleur parlent des générations disparues. « On est beaucoup aujourd’hui à ressentir un lien très fort avec les générations passées, à penser à « ce qu’on nous a transmis, à nos héritages, aux trésors dont on dispose et qui nous aident à traverser cette étrange tunnel obscur qui est le nôtre ».
La rabbin évoque les fêtes religieuses à venir et considère à la fois la Pâques juive, chrétienne et le ramadan. « Ils racontent un peu la même histoire. il faut être capable de se mettre en route, de quitter un monde ancien, qui nous a étouffé (…) ou rendu esclave de quelque chose, c’est troublant de voir que toutes nos traditions religieuses qu’on soit croyant ou pas nous racontent une histoire qui peut être pertinente et nous aider à réfléchir comment on quitte un monde et comment on peut essayer d’imaginer ce à quoi ressemblera demain ».
Se concentrer aujourd’hui uniquement sur le présent
A ceux qui voudraient déjà se projeter dans le jour d’après, la professeure de théologie rappelle que nous sommes dans un moment qui exige que l’on se concentre uniquement sur le présent. « Cet exercice exige une conscience qu’on ne peut pas parler de demain au moment où des gens autour de nous luttent pour leur vie, l’heure est à la traversée de cette nuit« . Et met en garde. « Il y aura toujours des théologiens pour en appeler à la punition divine. Il faut faire très attention au discours de quiconque a l’illusion de vous apporter une réponse ».
Les artistes font ce que la religion devrait faire, qui au sens éthymologique signifie la capacité de nous relier. Tout ceux qui oeuvrent à nous relier font un travail « religieux », ça n’a rien a voir avec une croyance.
La société d’après
« J’ai la conviction que bien évidemment, ça va tout changer. Mais, il faut comprendre que les changements dans l’Histoire ne se sont jamais produits comme des hasards. On se débarrasse d’un monde avec lequel on n’a plus rien à voir et tout à coup on est dans un temps neuf. En fait, les choses ont toujours été plus complexes que ça. Quand je parlais du lien aux générations passées, plus que jamais on a besoin de sentir une continuité dans nos histoire, l’après se doit d’être l’enfant de qu’il y avait avant ». J’ai le sentiment, poursuit elle que ces dernières années on a beaucoup souffert d’une sorte de discontinuité dans nos vies, les nouvelles générations ne comprennaient plus les anciennes, il y avait des conflits terribles. (…) Delphine Horvielleur conclut en estimant qu’on a une « opportunité dans un contexte tragique » d’y remédier.
Delphine Horvilleur propose tous les soirs un Facebook Live à 20h 30 sur la page tenou’a pour creuser la question du sens et parler d’universel.